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Da scoprire in Italia : une mosaïque très sicilienne…

Dernière mise à jour : 28 oct. 2021

Très sicilienne en effet dans la mesure où elle est très représentative du mélange ou de la superposition des cultures en Sicile au Moyen Age…(© wikipedia)

Cette mosaïque à fond doré représente deux personnages, de format à peu près grandeur nature : à droite le Christ dans une sorte de lévitation ; à gauche Roger II, comte de Sicile et de Calabre à partir de 1112 puis roi de Sicile (1130-1154), un des souverains les plus puissants de son époque puisque son autorité s’étendait sur l’Italie du Sud, la Sicile et une partie de l’Afrique du Nord (en gros la Tunisie actuelle). Il est le fils de Roger de Hauteville, à l’origine petit seigneur normand (près de Coutances) devenu ensuite le conquérant de la Sicile arabo-musulmane.


Ici donc, le Christ couronne Roger II, roi de Sicile, ce qui peut sembler a priori normal. Toutefois ce n’est pas du tout conforme à la tradition catholique dont est issu ce roi d’origine normande : normalement, en Europe, les rois étaient couronnés par le pape ou par ses représentants, et non pas par Dieu directement. Par ailleurs, la mosaïque n’est pas une forme d’expression artistique de l’Occident chrétien à cette époque ; qui plus est, le fond doré est la marque d’un environnement divin dans la tradition des arts décoratifs byzantins. Les vêtements de Roger II sont ceux d’un basileus (empereur) byzantin, tout comme sa couronne. L’auréole cruciforme du Christ rattache clairement cette mosaïque à Constantinople plutôt qu’à Rome.


L’inscription située au-dessus de la tête de Roger II interroge aussi : ΡΟΓΕΡΙΟC ΡHξ , écrit en Grec, peut être transcrit en ROGERIOS REX (en caractères latins), c'est-à-dire ROGER ROI. En résumé, le nom du roi est hellénisé et écrit en caractères grecs ; REX est un mot latin, mais écrit ici en caractères grecs. De quoi en perdre son Latin !

Alors pourquoi ce méli-mélo ? L’explication est assez simple. Quand, au XIème siècle, les Normands (très peu nombreux), ont lentement conquis la Sicile, gouvernée depuis 250 ans par les Arabo-musulmans, ils n’étaient pas en mesure d’effacer le passé arabo-musulman de l’île, de même qu’auparavant les Arabo-musulmans n’avaient pas pu effacer le passé chrétien et byzantin de la Sicile (la Sicile avait été byzantine pendant trois siècles). Réaliste, Roger II a vu tout l’intérêt qu’il y avait à maintenir certaines traditions byzantines ou arabo-musulmanes encore bien ancrées dans la culture sicilienne : il se fait appeler “Basileus” comme l’empereur de Constantinople et n’hésite pas à engager à son service un personnel arabo-musulman, comme le grand explorateur et cartographe arabe Al-Idrissi. Dans ce contexte, il n’est même pas imaginable d’imposer un style artistique “normand »--” ou “occidental” en Sicile. De toute façon, les artisans décorateurs des églises alors présents en Sicile étaient des Siciliens de culture grecque qui ne connaissaient guère que les arts décoratifs byzantins et l’écriture grecque : d’où cette mosaïque légendée en “gréco-latin” où le Normand Roger reçoit sa couronne du Christ lui-même comme un empereur byzantin !...

Finalement, ce n’est pas si simple !... mais très représentatif de ce carrefour de civilisations qu’a été la Sicile au Moyen Age.

Ce multiculturalisme (expression actuelle) vécu dès le Moyen Age serait-il une des raisons pour lesquelles la Sicile actuelle n’a pour l’instant pas basculé dans la xénophobie ? l’extrême-droite (la Lega de Matteo Salvini et Fratelli d’Italia de Giorgia Melloni) n’a totalisé que 5,65 % des voix aux dernières élections régionales (2017), et environ 9 % des voix aux élections nationales de 2018…


Martin Froelich

Elève des cours d'italien


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